Pastiche de Céline : Desciption de Bébert

Dans son fauteuil, il était assis là, les yeux presque fermés. C’était que le déjeuner l’avait fatigué à Guy. Tellement il était gonflé, son ventre dépassait de son pull.

Qu’il pleuve, neige, vente ou qu’il fasse un cagnard, sa place c’était dans le fauteuil, près de la fenêtre. Il m’avait vue passer le portillon. Ses yeux dépassaient tout juste de la fenêtre.

Quand je venais prendre le café il avait toujours ce sourire béat. Jamais il ne l’avouait mais ses gestes le trahissaient.

Plus je m’approchais plus je l’entendais ronchonner. C’était toujours pareil, le café n’était pas prêt, et il râlait alors que le café je n’aime pas ça et il le sait cette vieille branche.

Comme tous les jeudis, j’arrivais dans le salon, je m’approchais de lui, je l’embrassais sur son crâne dégarni, où se battaient en duel deux ou trois cheveux blancs, et je m’assis sur le repose-pied.

- Ah ! Ça va t’y ma p’tite Salomé ? qu’il me cria dans l’oreille. Il est pas très commode Guy, on a de la chance quand il nous apprécie, parce qu’il peut vraiment être borné quand il s’y met et ce n’est pas demain la veille que ça va changer.

- Bonjour Papy, comment ça va aujourd’hui ?

- Boh, ma fois ça va pas si mal hein ! Mamie t’a dit ce qui s’est passé au marché dimanche ? Il s’en souvient encore le morveux !

- J’en ai entendu parler oui, mais tu penses pas abuser un peu ? Il faisait juste du vélo sur la place, personne allait caner.

- AH ! Bah tiens ! Tu vas pas t’y mettre toi aussi, il a failli faire tomber mamie, sa giroflée à cinq feuilles il la méritait ! Ce fils de chien il allait pas piger si personne bougeait alors j’ai pris les devants.

Cette expression, « Giroflée à cinq feuilles » ça a toujours été sa préférée. Même quand papa était petit il l’utilisait.
Ça le réjouissait de faire l’ancien.
Il est né vieux au final Guy. Il a toujours été un vieux chêne, à rouspéter après la moindre poussière qui vole. Il ne change jamais, c’est le genre de personnage qu’on croise dans le café du village, canne en main et béret sur le front avec un air renfrogné, presque sauvage.

Mais quand Éliane arrive il s’adoucit, c’est pareil, ça n’a jamais vraiment changé ça, il lui fait toujours du gringue quand elle est dans la pièce.

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Lettre ouverte à l’imprévu